Pour un dirigeant d’entreprise partant à la retraite qui souhaite transmettre son entreprise à ses enfants, il peut être compliqué d’envisager une donation.
- Comment se constituer un patrimoine suffisant pour la retraite ?
- Comment s'assurer que l'enfant repreneur puisse racheter l'entreprise même s'il ne dispose pas des liquidités suffisantes ?
L’owner buy out (OBO) qui emprunte aux effets de levier du leverage buy out (LBO)
L’opération se déroule en deux temps : la mise en place de l’OBO en lui-même puis la transmission des parts de la holding de reprise aux enfants repreneurs.
La mise en place de l’OBO
Le chef d'entreprise constitue une holding de reprise en apportant une partie de ses titres à une holding nouvellement constituée.
Conseil : Il est plus prudent de créer une holding nouvelle plutôt que d’utiliser une holding existante. Cette option évite d’avoir un passif grevant la société, ce qui pourrait décourager une banque de prêter des fonds à la holding.
La forme sociale la plus adaptée pour cette holding de reprise semble être la société par actions simplifiée (SAS) :
• Elle offre de grandes libertés statutaires ;
• Elle est à responsabilité limitée pour les associés ;
• Il s’agit d’une société commerciale ce qui permettra à la holding d’exercer une activité d’animation de la société cible ;
L'imposition en IS va permettre de bénéficier de dispositifs d’optimisation supplémentaires.
À l’occasion de la constitution de la holding, d’éventuels investisseurs extérieurs ou managers peuvent entrer au capital.
La société holding s’endette auprès d’une banque afin de racheter les parts que le chef d’entreprise détient directement dans la cible.
L’emprunt de la banque sera remboursé grâce aux dividendes qui remontent de la cible. Les intérêts d’emprunt sont déductibles fiscalement pour la holding.
A l’issue de cette opération, le chef d’entreprise a interposé une société holding de reprise mais il a gardé le contrôle de sa société et réalisé un cash-out.
La donation aux enfants
Dans un second temps, le chef d’entreprise donne les parts qu’il détient à l’enfant ou aux enfants repreneurs.
Dans le cas où seul l’un des enfants souhaite reprendre l’entreprise, il convient de verser une soulte aux autres enfants afin de ne pas empiéter sur leur réserve héréditaire.
Conseil : Il est judicieux de procéder à un démembrement de propriété des parts, la nue-propriété seulement faisant l’objet d’une donation.
Ainsi, le donateur en tant qu’usufruitier conserve le bénéfice du versement des dividendes (une fois l’emprunt remboursé).
Par ailleurs, cela permet de bénéficier du barème de l’article 669 du code général des impôts (CGI) qui détermine la valeur de la nue-propriété transmise comme une quotité de la pleine propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier. Cela permet de réduire l’assiette des droits de donation.
Couplage avec un Pacte Dutreil
Afin d’optimiser d’avantage la transmission, le démembrement peut être couplé avec le Pacte Dutreil (cependant les pouvoirs de décision de l’usufruitier devront se limiter à l’affectation des bénéfices).
Le Pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit sur 75% de la valeur des titres transmis si certaines conditions sont remplies.
• Un engagement collectif de conservation des titres de 2 ans doit être mis en place et être en cours au jour de la transmission ;
• Cet engagement doit porter sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote lorsqu’il s’agit de titres de sociétés non cotées et sur au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote s’il s’agit de titres de sociétés cotées ;
• L’un des associés signataires de l’engagement collectif de conservation ou l’un des donataires, héritiers ou légataires doit exercer une fonction de direction dans la société pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission.
Les outils d’optimisation de l’OBO
Le régime mère fille permet à la société mère de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) sur les dividendes reçus par ses filiales, sauf réintégration d’une quote part de frais et charge de 5% qui fait l’objet d’une réintégration extra comptable chez la société mère.
Conditions :
• La société mère et la filiale doivent être à l’IS au taux normal (sauf possibilité pour la société d’être assujettie au taux réduit d’IS à 15%) ;
• La société mère doit détenir en pleine propriété 5% du capital de la fille et les titres doivent être nominatifs ;
• Les titres doivent être conservés pendant au moins 2 ans.
L’intégration fiscale permet de consolider l’ensemble des résultats fiscaux des sociétés d’un même groupe et de neutraliser les opérations intra-groupes. La société holding détermine le résultat d’ensemble imposable à l’IS et payer l’impôt dû par le groupe intégré.
Le groupe peut être constitué par la société holding avec une ou plusieurs de ses filiales dont elle détient directement 95% au moins du capital social.
La société tête de groupe ne doit pas être détenue à plus de 95% par une autre société à l’IS.
Conseil : l’intégration fiscale peut être remise en cause avec l’amendement Charasse. Il permet à l’administration fiscale de procéder à une réintégration des charges financières liées à l’achat d’une société si l’actionnaire auprès de qui la société a été achetée contrôle le groupe ou une des filiales du groupe.
La plupart des montages d’OBO entrent dans le champ d’application de l’amendement Charasse. Le dirigeant doit donc choisir entre la renonciation au pouvoir de direction de son entreprise ou la renonciation au schéma d’intégration fiscale.
Il peut avoir recours aux management fees. Ainsi, les produits imposables versés de la filiale à la holding animatrice pour des services rendus, permettent d’imputer sur les frais financiers liés à la dette d’acquisition afin de rétablir le levier fiscal.
Il faut cependant que les prestations soient conformes à l’intérêt social et non disproportionnées.
L’abus de droit fiscal peut constituer un frein aux montages d’OBO
L'abus de droit fiscal est défini par l’article L 64 du livre des procédures fiscales (LPF).
Il permet à l’administration fiscale d’écarter comme ne lui étant pas opposables les actes ayant un caractère fictif ou les actes qui par une application littérale des textes ont pour seul motif d’éluder ou d’atténuer l’impôt.
L’article L 64 du LPF sanctionne les actes ayant un but exclusivement fiscal. Cela vise donc un montage purement artificiel.
L’administration fiscale peut par exemple considérer que le chef d’entreprise a cherché à substituer à la fiscalité des revenus du chef d’entreprise, une fiscalité des plus-values plus favorable.
Jurisprudence
Le Conseil d’État s’est prononcé pour la première fois sur l’articulation de l’OBO et de l’abus de droit dans l'arrêt Bourdon du 27 janvier 2011.
Le juge se montre plutôt compréhensif envers le contribuable. Il considère que la mise en place de l’OBO a présenté pour les cédants « un intérêt d’ordre financier et patrimonial durable » notamment car le recours à une holding permettait de lever de la dette bancaire plus facilement tout en ne mettant pas en gage le patrimoine privé des contribuables.
Loi de finance 2019
La loi de finance pour 2019 élargit la notion de l’abus de droit fiscal et met en danger de tels montages. Elle insère dans l’article L 64 A du LPF une nouvelle définition d’un intérêt principalement fiscal.
Difficile de savoir comment seront quantifiés les buts fiscaux ou non puisque le législateur n’a pas défini ce qu’était un but principalement fiscal !
Le démembrement qui est opéré sur les parts lors de la donation pourrait notamment être remis en cause.
Dans son communiqué de presse de janvier 2019, Bercy tente de rassurer les contribuables en assurant que l’abus de droit ne remettra pas en cause les démembrements de propriété, mais celui-ci n’ayant pas de valeur légale, il doit être pris en compte avec précaution.