Les prix des logements baissent peu depuis trois ans, alors qu’ils ont chuté dans les autres pays. La chute des taux d’intérêt explique en grande partie ce phénomène. L’investissement locatif joue aussi.
La France fait exception. Les prix de la pierre ont en général peu baissé depuis le début de la crise financière de 2008 dans le pays et ils ont même ponctuellement rebondi en 2010, alors qu’ailleurs en Europe comme en Espagne, en Irlande, au Portugal ou encore aux États-Unis, ils ont fortement baissé (de 20 % à 40 %). Pourtant, dans l’Hexagone, comme dans les autres pays, les prix s’étaient envolés entre 2000 et 2007.
Comment alors expliquer de telles différences de situation? Pour l’économiste Jacques Friggit, membre du Conseil général de l’environnement et du développement durable qui vient de rédiger une étude sur le sujet à titre personnel («pourquoi la baisse des logements a-t-il si peu baissé en France depuis 2008»), cela tient essentiellement à la baisse des taux d’intérêt. Et donc des crédits immobiliers. Un phénomène à l’œuvre depuis le début des années 2000 et principal moteur du bond des prix entre 2000 et 2007 (hausse de 70 % du prix des logements Français par rapport au revenu des ménages). Pendant cette période, «la baisse des taux d’intérêt a permis une forte hausse des prix, même si elle n’a compensé leur envolée que partiellement, puisque pour acheter un même logement un accédant à la propriété devait s’endetter sur 33 ans en 2007, contre 15 ans en 1965 et en 2000», écrit-il. «L’allongement de la durée des prêts a apporté un complément de la capacité d’emprunt», ajoute-t-il.
Pas de «subprime» à la Française
Ces mêmes phénomènes se sont reproduits depuis la crise de 2008, avec la chute des taux d’intérêts à un niveau historiquement bas. Ce qui a permis aux particuliers de s’endetter à très bon compte. «D’où un nouvel effet inflationniste, plus marqué en France que dans les autres pays où le prix des logements s’était envolé», constate Jacques Friggit. Car les banques Françaises, qui se financent moins sur les marchés de capitaux que certaines de leurs concurrentes, ont pu continuer à prêter. De plus, tenant davantage compte des revenus des emprunteurs, elles ont évité le développement de prêts «subprimes» et «maintenu les sinistres emprunteurs à un niveau très faible». Enfin, «il n’y a pas eu de surconstruction massive comme en Espagne ou en Irlande», et les promoteurs ont lancé peu de programmes», ajoute l’étude.
C’est dans les zones où le marché locatif est important que les prix baissent le moins
Comme dans les années 2000 à 2007, «l’effet inflationniste a été plus marqué dans le cas des investissements locatifs», estime l’économiste. Depuis 2008, l’investissement dans l’immobilier est boosté par «la diminution du rendement de son principal concurrent, le placement obligataire», et par le fait que les particuliers ont délaissé les actions après le krach boursier de 2008. Résultat, c’est dans les zones géographiques où le parc locatif est le plus important, que les prix ont le moins baissé depuis 2008. Déjà entre 2000 et 2007, c’est dans les zones géographiques et les types de biens pour lesquels les logements locatifs sont fortement représentés (départements urbains plutôt que ruraux, appartements plutôt que maisons, petits appartements par opposition aux grands, etc), que les prix ont le plus grimpé.
Dans son étude, l’économiste tord aussi le coup à certaines idées souvent avancées pour justifier la flambée des prix de la pierre de la décennie 2000. Selon lui, l’insuffisance de la construction, la demande croissante liée à la hausse du nombre de ménages, les transactions d’acheteurs étrangers, la rareté du foncier, et l’effet inflationniste des aides publiques au logement n’ont eu que peu d’incidence sur les prix.