novembre 15, 2022

En attendant zéro – Macroscope

La peur gagne-t-elle les banques centrales ?

L’épisode de hausses de taux par la Réserve Fédérale américaine (Fed) s’approche doucement de sa fin. A tout le moins, même si l’on se situe dans une perspective pessimiste, les deux tiers de l’ampleur totale de la hausse sont probablement déjà réalisés. En effet, partant d’un taux fixé entre 0 et 0,25% en mars 2022, la Fed a monté son taux directeur au niveau actuel de 3,75 - 4%.

Aujourd’hui, le marché attend un pic de taux directeur au premier trimestre 2023 situé à peine au-dessus de 5% aux Etats-Unis. Même s’il se trompait et que les taux montaient au-delà, disons à 5,5% ou même 6% – mais les tout derniers chiffres d’inflation ne plaident pas pour une telle hausse – il resterait encore 150 à 200 points de base à passer, comparés aux 375 déjà parcourus. Soit, au pire, un dernier tiers du total. Sauf, bien sûr, si un scénario extrême se déroulait avec une inflation sous-jacente qui remonterait au-dessus de 6%. Mais cela semble aujourd’hui très improbable.

La préoccupation principale du marché ne se focalise donc plus tant sur les hausses de taux à venir que sur l’effet cumulatif des hausses passées sur l’économie à moyen terme. A savoir, le ralentissement économique inévitable pour freiner l’inflation. Sur ce point, les investisseurs s’attendent désormais à une croissance quasi nulle en 2023 aux Etats-Unis, et même légèrement négative en zone euro. Un horizon ‘’zéro croissance’’ qui constituerait à vrai dire un moindre mal, car ce ne serait pas un effondrement. Et à la clé, une Fed qui arrêterait de monter les taux au second trimestre, voire les rebaisserait fin 2023 si l’inflation suivait la trajectoire baissière attendue.

Ce scénario serait le moindre mal. Mais quelle est sa probabilité ? Les prévisions à moyen terme du marché, l’expérience le montre à l’envi, ne valent rien. Que ce soit sur l’inflation, sur le niveau des taux ou de la croissance, les attentes du marché un an à l’avance se révèlent souvent extrêmement éloignées de la réalité. Il n’est qu’à rappeler les prévisions d’inflation modérée produites par la Fed en 2021, ou ses prévisions de croissance de 4% pour 2022, alors que le consensus l’attend désormais sous les 2%.

La croissance constatée fin 2023 sera ainsi probablement bien au-dessus ou bien au-dessous du zéro attendu. Quels facteurs pourraient faire pencher la balance ?

Côté croissance, la baisse probable de l’inflation américaine, combinée à une hausse significative mais tolérable des salaires, conduirait à une consommation résiliente.

Côté négatif, le dégonflement des prix immobiliers, les légers signes d’essoufflement de la dynamique de l’emploi, les conséquences incontrôlables de la guerre en Ukraine et la possible résilience de l’inflation à un niveau élevé, pourraient mener à une franche récession, dont on ne sortirait pas rapidement car il faudrait attendre un revirement total de politique monétaire. Et ce, dans un contexte où la Chine, aux prises avec un dégonflement de bulle immobilière, ne soutiendrait que très peu la dynamique mondiale, contrairement à son rôle au long des deux dernières décennies.

Impossible de trancher entre les deux directions aujourd’hui, mais dans tous les cas, un autre ‘’zéro’’ finira par biaiser la balance à long terme, comme le rappelle l’actuelle COP 27 : la nécessaire décarbonation des économies, dès maintenant et pour longtemps. « Horizon zéro carbone » d’ici quelques décennies. Or jusqu’ici, toute baisse des émissions de CO2 a été corrélée à une baisse de la croissance. Pour que ce soit différent cette fois, il faut inventer un nouveau modèle. C’est l’avantage du double zéro, de court et de long terme : il force à se réinventer, ce que l’humanité – tout comme le marché, qui est une de ses inventions les plus efficaces – excelle à faire. Le zéro qui nous attend n’est pas rien, c’est le plein – d’autre chose.

 

Alexis Bienvenu, Fund Manager
Rédaction achevée le 10.11.2022


Telex

Enfin une bonne surprise. Alors que les deux publications précédentes de l’inflation américaine (dans sa version dite CPI) avaient réservé de mauvaises surprises au marché, la toute dernière a recelé une bonne surprise : l’inflation d’octobre reste certes élevée, mais décroît, aussi bien dans sa version globale (7,7% en rythme annuel vs 8,2% en septembre) que dans sa version sous-jacente (6,3% vs 6,6%). Cela ne tient pas à un facteur unique : les prix qui ont baissé ont baissé fortement - assurance santé, véhicules d’occasion, habillement - tandis que les prix qui ont monté ont augmenté moins que prévu - logement, véhicules neufs. Ces données renforcent l’hypothèse d’un pic d’inflation et viennent appuyer les premiers éléments donnés par la Fed en faveur d’une baisse progressive du rythme des hausses de taux, ce que le marché des taux comme des actions a salué avec enthousiasme.

Omissions d’émissions. D’après l’organisation à but non lucratif Climate TRACE, qui a dévoilé lors de la COP 27 un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre, les quantités déclarées par l’industrie fossile seraient extrêmement sous-estimées : les émissions réelles seraient trois fois supérieures !

Engagements pas engageants. Un rapport d'ONU Climat publié à l’occasion de la COP 27 atteste un très léger progrès dans les engagements nationaux en faveur d’une décarbonation de l’économie : les engagements actuels visent une augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui se limiterait à 10,6 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2010, contre 13,7 % l’année passée. Ces engagements, s’ils étaient respectés – ce qui reste à prouver – limiteraient le réchauffement à environ 2,5 degrés Celsius d'ici la fin du siècle…

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